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La Voie retrouvée du labyrinthe

la voie retrouvée du labyrinthe

Cet ouvrage d’Alexandra et Roger Bénévant, aux éditions Dervy, apporte une analyse graphique et symbolique intéressante du labyrinthe. Les concepts sont parfois peut être trop issus de la psychanalyse pour moi, cependant leur analyse permet de catégoriser les labyrinthes et leur permet de découvrir un élément essentiel des labyrinthes que j’avais moi-même trouvé : le point A.

L’approche des auteurs commence par les données de l’archéologie. A partir de ces données, ils partent sur l’exploration de ce qu’ils déduisent être le labyrinthe archétypale : le labyrinthe à 7 circonvolutions de type crétois.

A partir de cet archétype, ils considèrent qu’un labyrinthe est composé de 3 opérations à “préhension centrale”, selon leur propre expression. Ce qui veut dire que le Chemin du labyrinthe commence par s’approcher du centre ensuite nous en éloigner et enfin arriver au centre par pénétration. Le labyrinthe à 7 circonvolutions est effectivement une série de 2 trios d’opérations “à préhension centrale” : 3-2-1 puis 4 puis 7-6-5 en enfin Centre. Ils confondent cependant la 4ème et la 7ème circonvolution dans une même opération. Choix étrange qui ne correspond pas à la définition qu’ils donnent à une opération : un tour complet autour du Centre. Ils ont du mal dans leur modèle à trouver du sens à cette 4ème circonvolution qui sépare les 2 trios 3-2-1 et 7-6-5. Ils étudient ensuite cette théorie de la préhension centrale par 3 opérations primordiales sur plusieurs modèles de labyrinthes : celui gravé à Luzzanas (2500 ans av JC) , celui de la tablette de Pylos (1200 av JC), celui du manuscrit de Walahfrid Strabo (IXe ap JC), celui du manuscrit du Physiologus (XII e ap JC), celui de la cathédrêle de Chartres (XIIe ap JC), celui de Salomon (XIVe ap JC) et enfin celui de l’abbaye de Saint Omer (XIe siècle). Dans ces labyrinthes, l’ordre de progression est effectivement à “préhension centrale” de type 3-2-1.

Un petit passage très intéressant sur la représentation du labyrinthe par Fulcanelli, célèbre alchimiste, considère qu’il y a 3 entrées dans le labyrinthe alchimique : une entrée qui finit en impasse, prise par ceux qui sont pressés. Cette entrée fait écho à des médaillons de mise en garde que l’on retrouve sur la façade de Notre-Dame de Paris où on voit un jeune homme trop pressé se faire éjecter par son cheval. Une autre entrée du labyrinthe emmène directement au Centre. C’est le Chemin des initiés, des Maîtres. Ils savent comment aller au Centre directement. Et il y a l’entrée pour les humbles cherchants, qui passe par toutes les circonvolutions avant d’atteindre le Centre. Fulcanelli y voit une préparation de matière avant qu’elle subisse les épreuves de transformation dans l’Athanor, au Centre du labyrinthe.

C’est cette représentation alchimique qui ouvre la compréhension de l’importance du point de jonction inscrit dans le labyrinthe, que les auteurs appellent “Point A”. Ce Point A ferme la voie royale qui permet d’accéder directement du Monde au Centre sans passer par les circonvolutions. Ce Point A est aussi le point de jonction entre les deux parois, gauche et droite, qui délimitent le chemin. Ces parois forment 2 serpentins que les auteurs appellent “les formes”. Ils indiquent que ce point A existe dans les labyrinthes de type cnossien et de type chartrain. Ce point A est effectivement un point de structure essentiel des labyrinthes, sans lui, pas de labyrinthe.

La prise de conscience de l’existence de ce point A amène à considérer que le labyrinthe est une union de 2 entités, les 2 “formes” : les parois droite et gauche du chemin. Ces parois forment des serpentins imbriqués l’un dans l’autre ne se croisant qu’au point A. Les auteurs alors considèrent que l’une des formes représente une valeur féminine et l’autre une valeur masculine. La forme féminine constitue le passage d’entrée et la forme masculine constitue le passage pénétrant au Centre, dans le labyrinthe à 7 circonvolutions de type cnossien. Cette hypothèse est testée sur de nombreux labyrinthes et en particulier sur le labyrinthe du vase étrusque de Tragliatella qui semble alimenter cette thèse. Les auteurs raccrochent le labyrinthe au culte de la déesse-Mère qui prévalait au néolithique.

Les auteurs étudient ensuite plusieurs autres labyrinthes qui ne respectent pas l’archétype “à préhension centrale”. Il y a le labyrinthe à “préhension périphérique” dont la progression part du plus éloigné du Centre pour aller vers le plus proche, du type du labyrinthe déjà étudié ici : le labyrinthe à 3 circonvolutions dont la progression est linéaire : 1-2-3 Centre. Le labyrinthe de Reims avait été conçu selon ce modèle. Les auteurs étudient ensuite les labyrinthes composites et estiment que le labyrinthe de Bayeux répond à ce modèle. Le labyrinthe de Bayeux est un labyrinthe ayant la structure des labyrinthes à 5 circonvolutions à qui il a été rajouté une 6ème circonvolution dans le centre (de mon point de vue), peut-être par soucis de symétrie. Or le labyrinthe à 5 circonvolutions est un mixte de préhension centrale puis de préhension périphérique. Les labyrinthes à 11 circonvolutions quant à eux perturbent le jeu et ne peuvent pas être analyser ainsi tant l’ordre des circonvolutions est chaotique : 5-2-3-4-1-6-11-8-9-10-7-centre. Pour arriver à comprendre symboliquement ce labyrinthe, il faut certainement considérer les trios 2-3-4 et 8-9-10 comme une déclinaison d’une opération. On retrouve alors la structure d’un labyrinthe à 7 circonvolutions : 3-2 (2-3-4) – 1 – 4 (6) – 7(11) – 6 (8-9-10) – 5 (7) – Centre.

la voie retrouvée du labyrinthe

En conclusion, j’ai retrouvé dans cet ouvrage des éléments que j’avais observé mais que je n’avais analysé aussi finement. Ils confirment par exemple mon analyse sur les 2 serpentins féminin et masculin qui s’unissent au point A pour former le labyrinthe. De ce point de vue, le labyrinthe est une sorte de Tao où s’unissent un Yin et un Yang. Les auteurs ont fait aussi la même recherche géométrique que moi pour dessiner le labyrinthe à partir de cercles et non à partir d’une croix.

Cependant, leur point de départ de poser le labyrinthe à 7 circonvolutions comme forme archétypale à cause de sa surreprésentation archéologique ne me semble pas la bonne approche pour percer le mystère symbolique du labyrinthe. Ma thèse, c’est que c’est en dessinant le labyrinthe à partir d’une croix qu’on comprend l’enchainement initiatique des labyrinthes. D’abord le labyrinthe à 3 circonvolutions, puis celui à 5, puis celui à 7 puis celui à 11. Chacun apportant un enseignement qui développe les capacités spirituelles humaines. D’ailleurs, si on reprend la thèse des préhensions centrale et périphérique développée par les auteurs, on voit ce qui peut ressembler à une progression initiatique :

  • labyrinthe à 3 circonvolutions : préhension périphérique
  • labyrinthe à 5 circonvolutions : préhension centrale 3-2-1 puis périphérique 4-5-Centre
  • labyrinthe à 7 circonvolutions : déclinaison en préhension centrale d’une préhension périphérique 1 (3-2-1)-2 (4) -3 (7-6-5)

Si bien qu’à y regarder de près nous voyons que les labyrinthes, aussi complexes soient-ils, ont tous pour base, le labyrinthe à 3 circonvolutions… Pour le 5, c’est la 1ère circonvolution du 3 qui a été déclinée en préhension centrale. Pour le 7, c’est la 5ème circonvolution du 5 qui a été déclinée en préhension centrale, qui correspond à la 3eme circonvolution du 3. On voit alors que la circonvolution intermédiaire du 3 est toujours présente dans le 5 et le 7 faisant office de sas, de frontière, entre l’intérieur et l’extérieur.

A chaque passage d’un labyrinthe à un autre, un aspect du labyrinthe de départ est développé dans le labyrinthe d’arrivée.

La voie retrouvée des labyrinthes, c’est cette union entre 2 principes vitaux qui fonde une matrice maternelle.

Une video d’une conférence des auteurs :

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